Dans quelques semaines s'ouvrira à Paris le procès du groupe Chimirec et de sa filiale Aprochim. La société, spécialisée dans la collecte de produits dangereux et la dépollution, avec 14 sites en France, est accusée d'avoir dilué des huiles contaminées au PCB, plus connu sous le nom de pyralène, provenant essentiellement de transformateurs électriques, au lieu de les décontaminer. La fraude a duré au moins de 2000 et 2006. L'affaire était très rentable : Chimirec était payé 230 euros la tonne par celui qui voulait se débarrasser de l'huile contaminée. Au lieu d'être traitée, l'huile était diluée avec d'autres huiles de récupération et revendue jusqu'à 450 euros la tonne.Le groupe Chimirec est dans le collimateur de la justice pour de graves affaires de pollution de l'environnement.
Fausses déclarations à la préfecture et à la direction régionale de l'industrie, faux certificats de destruction de déchets, transports clandestins de produits dangereux, tout était fait pour masquer la fraude. Contactée, la direction de Chimirec conteste l'ensemble du dossier et parle d'"erreurs éventuelles susceptibles de simples contraventions". Elle conteste qu'il y ait un eu système organisé de dilution.
Mais ce n'est pas la seule affaire qui entache le groupe Chimirec. Leur filiale Aprochim, installée à Grez-en-Bouère, en Mayenne, chargée du traitement des transformateurs, est accusée de pollution de l'environnement. En février 2010, des analyses sanguines chez des salariés d'Aprochim révèlent des taux anormalement élevés de PCB dans le sang de plusieurs salariés, un produit fortement suspecté d'être cancérigène. Plusieurs employés ont porté plainte pour "mise en danger de la vie d'autrui".
"J'avais des démangeaisons"
Stéphane Picrouillère est un des rares salariés qui acceptent de témoigner : "Je suis entré dans l'entreprise en 1993 et j'ai été sorti en 2009 par la médecine du travail à cause de ma contamination sanguine et du harcèlement de mon employeur. J'ai commencé à gueuler en avril 2008. J'ai exercé mon droit de retrait. J'avais des démangeaisons. On respirait des fumées de furane et de dioxine. Nos analyses sanguines ont confirmé qu'on était contaminés. Au début, la médecin du travail nous a dit que si on avait trop de PCB dans le sang, c'est qu'on mangeait trop de pâté et de rillettes. On nous prenait pour des andouilles. Puis le discours a changé. On sortait de la machine de décontamination du cuivre qui ne devait plus comporter de PCB. Mais il y avait des restes de liquide, des poussières, de la fumée. Aprochim a dû mettre des hottes dans le local. On voyait bien que ça ne marchait pas. Aprochim ne se préoccupait pas de l'environnement. L'entreprise nous a traînés au tribunal pour diffamation parce qu'on a dit que le filtre n'avait pas été changé pendant deux ans. Mais elle a été déboutée. On m'a mis la pression. Mes chefs m'ont harcelé. J'ai refusé un départ négocié car je me battais pour la sécurité des salariés. J'ai été arrêté un an pour dépression." Depuis cinq ans, l'entreprise a investi dans du matériel de sécurité pour ses employés, et les analyses des salariés embauchés récemment se sont révélées normales.
En janvier 2011, la pollution de l'environnement aux abords d'Aprochim est dévoilée. Le lait des agriculteurs locaux contient un taux de PCB le rendant impropre à la consommation. Quatorze exploitations sont touchées, et quatre cents bovins devront être euthanasiés en 2011 et 2012. Seuls quatre éleveurs ont été indemnisés partiellement. Un cinquième a reçu une provision en justice. Le médiateur nommé par l'État a jeté l'éponge fin 2012, après que le directeur général de Chimirec eut affirmé que l'entreprise n'avait pas les moyens d'indemniser toutes les victimes.
Une troisième pollution en 2013 !
Sur un plan technique, rien n'est réglé. Pour limiter la pollution, Aprochim est autorisée à travailler à 50 % de sa capacité. En avril 2013, une troisième pollution est constatée lors d'une inspection de la Drire, un service de l'État chargé de l'industrie et de l'environnement : LES FILTRES SONT LARGEMENT INEFFICACES. Le rapport pointe que "l'exploitant indique que le filtre finisseur a été vérifié et qu'aucune fuite n'a été détectée". Aprochim est incapable d'expliquer les résultats observés. Pourtant la société a reçu le 1er prix des technologies économes et propres de l'Ademe au Salon Pollutec en 2006 pour son système de traitement du PCB !
Les inspecteurs de la Drire ont proposé début avril de "suspendre le fonctionnement des installations jusqu'à ce que l'exploitant ait pris les dispositions nécessaires au respect des conditions fixées". La préfet a proposé un arrêté de suspension de l'activité au Coderst, le Conseil de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Le projet d'arrêté est rejeté par les élus locaux et le représentant de la Chambre de commerce, et, plus surprenant, par ceux de la chambre d'agriculture et ceux des pêcheurs. Une décision qui illustre bien le rôle trouble des élus locaux, qui ont toujours privilégié l'emploi et les rentrées fiscales au détriment de l'environnement.
Jean Arthuis, le président du conseil général de la Mayenne, reproche à demi-mot en janvier 2013 à certains agriculteurs d'avoir choisi l'option judiciaire plutôt que la voie transactionnelle avec Aprochim. Et quand la région a porté plainte contre Aprochim, Jean Arthuis a qualifié l'initiative de "grotesque".
Norbert Bouvet, le président de la communauté de communes, déclare lors du même débat au conseil général : "Les maires sont là pour rassurer les habitants. Il peut y avoir des communications qui ne sont pas en rapport avec la réalité. Sur la pollution des sols, les experts prétendent que lorsque les végétaux poussent, même sur des sols pollués, ces végétaux ne puisent pas les PCB dans le sol. C'est-à-dire que toute herbe nouvelle, le blé, le maïs, ces végétaux ne vont pas chercher le PCB comme ils vont chercher l'azote. À partir de là, tout ce qui peut pousser ne contamine plus les animaux. Si la pollution s'est arrêtée à l'usine, il n'y aura pas de problème. Je confirme que la pollution émise par l'usine s'est arrêtée depuis décembre. Les élus travaillent à un plan de réhabilitation du secteur car cette région a été tellement décriée, notamment par les médias nationaux, que l'impact est très fort en termes de perte d'image." Quelques semaines plus tard, des bovins ayant mangé de l'herbe étaient de nouveau contaminés et le contrôle de la Drire montrait que l'entreprise continuait de polluer.
Curieusement, cette affaire nous rappelle le projet du site CHIMIREC à Bouvesse Quirieu, toujours suspendu, à 220m des premières habitations du village dans une petite zone non appropriée ! Là aussi, les élus ont demandé à chaque conseiller municipal d'être convaincant et rassurant pour présenter cette Sté familiale à la population ( voir sur le blog l'article de la réunion du 4 juillet 2008 ). Là aussi, certaines hautes personnalités politiques de la région nous ont fait savoir que CHIMIREC n'était pas une installation classée, ni seveso, pas plus dangereuse qu'un élevage de chiens ( textuellement ), sans oublier l'ex préfet qui présentait CHIMIREC comme un projet d'utilité publique majeur ! Curieuses similitudes ...
Précision utile : dans son mémoire contre notre association, CHIMIREC déclare que nous ne serions pas qualifiée pour défendre l'environnement, entre autre ! un comble venant de leur part ...